Sénégal : le départ des soldats français30/07/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/08/une_2974-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1264%2C1640_crop_detail.jpg

Dans le monde

Sénégal : le départ des soldats français

Le 17 juillet, la dernière base militaire française du Sénégal, installée à Dakar depuis 1920, a été officiellement remise à l’armée sénégalaise. Après les retraits du Mali, du Burkina Faso et du Niger, l’armée française ne conserve plus qu’une seule base en Afrique, à Djibouti. Elle en comptait encore une quinzaine il y a trente ans.

Il aura donc fallu 65 ans pour que la France cesse d’avoir une présence militaire permanente dans ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest, devenues indépendantes en 1960. Pendant toutes ces décennies, ces bases ont été des points d’appui pour les nombreuses interventions militaires françaises sur le continent.

La base de Dakar, qui vient de fermer, a été utilisée à maintes reprises : pour appuyer le régime de Senghor en 1968 face aux manifestations d’ouvriers et d’étudiants, faire décoller les avions partis bombarder les indépendantistes sahraouis en Mauritanie en 1977, servir de base de transit lors de l’opération Turquoise au Rwanda en 1994 ou encore de plateforme logistique lors des opérations Licorne en Côte d’Ivoire, Serval et Barkhane au Sahel.

Toutes ces opérations avaient pour objectif d’assurer la défense des intérêts de la bourgeoisie française et de ses groupes capitalistes, comme Total, Bouygues, Bolloré ou CMA CGM. Si aujourd’hui Macron fait mine de « tourner une page », c’est surtout que la France n’a plus les moyens de ses ambitions impérialistes. Dans plusieurs pays du Sahel, ses troupes ont été poussées dehors par des régimes militaires s’appuyant sur la colère de classes populaires plongées dans une misère grandissante. Au Niger, au Burkina et au Mali, les juntes militaires qui ont pris le pouvoir entre 2020 et 2023 ont exigé le départ de l’armée française ; obtenir ce départ au Sénégal était une promesse de campagne du Pastef, le parti ayant remporté les élections en mars 2024 après des manifestations violemment réprimées par le président de l’époque, Macky Sall, un grand ami de Macron. Ainsi, l’évacuation des bases françaises a été négociée pour éviter un scénario similaire à celui du Mali ou du Niger. Elle permet à l’actuel président Bassirou Diomaye Faye et à son Premier ministre Ousmane Sonko, tous deux membres du Pastef, d’apparaître comme les garants de la souveraineté nationale sénégalaise.

Le départ des soldats ne signifie pas pour autant la fin de la mainmise de l’ancienne puissance coloniale. La coopération militaire demeure, puisque des officiers français continueront de former l’armée sénégalaise. Et surtout, les intérêts des capitaux français ne sont pas écornés. La France est encore le premier fournisseur du Sénégal, avec 12 % de parts de marché en 2023 et un excédent commercial de 937 millions d’euros. La monnaie reste le franc CFA, issu de l’époque coloniale. De grandes entreprises, comme Total, Orange, Auchan ou encore Eiffage, y détiennent d’importants marchés.

Que les troupes françaises quittent l’Afrique est la moindre des choses. Mais la misère, l’inflation et l’exploitation de la classe ouvrière ne disparaîtront pas avec elles, et ce n’est d’ailleurs pas l’objectif des dirigeants politiques. Ceux-ci s’appuient sur la légitime colère contre l’impérialisme français pour conforter leur propre pouvoir, qui est aussi celui des classes possédantes, française et africaines. C’est aussi à celui-là qu’il faudra mettre fin.

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