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Thaïlande-Cambodge : fièvre nationaliste et intérêts financiers
Après cinq jours de combat, au moins 43 morts et 270 000 déplacés, malgré un cessez-le-feu signé le 28 juillet, les combats continuaient le 29 juillet à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge.
L’enjeu affiché de cette guerre est le tracé exact de la frontière sur laquelle se trouvent des temples khmers revendiqués par les deux pays et qui étaient gérés jusque-là par des soldats thaïlandais et cambodgiens sans armes. Cette frontière floue, contestée par le Cambodge depuis son indépendance en 1953, a été tracée en 1907 par l’impérialisme français pour séparer, dans son intérêt, l’Indochine française du Siam, l’ancien nom de la Thaïlande. Cet héritage colonial a ainsi créé un de ces nombreux points chauds de la planète qui se réveillent périodiquement en fonction des intérêts des classes dominantes et plongent les populations dans la guerre.
Sur cette frontière, la tension monte depuis le mois de février, instrumentalisée par le pouvoir en Thaïlande et au Cambodge ainsi que par les oppositions internes.
Les clans qui gouvernent, celui des richissimes Shinawatra en Thaïlande et celui des Hun au Cambodge, proches jusque-là, viennent de se brouiller notamment sur la question des casinos, que le Cambodge exploite en masse à la frontière avec la Thaïlande. Ces casinos sont la couverture d’activités plus ou moins mafieuses, incluant la cyberfraude, l’esclavage, la traite des êtres humains, le travail des enfants… Le gouvernement thaïlandais projette ainsi depuis un an d’autoriser l’ouverture de casinos sur son sol, ce qui constituerait une sérieuse concurrence pour les oligarques cambodgiens. L’un d’entre eux, Kok An, proche de la famille Hun, est d’ailleurs menacé depuis début juillet par un mandat d’arrêt thaïlandais.
En Thaïlande, l’armée et le clan Shinawatra sont en concurrence permanente. Thaksin Shinawatra a été chassé du pouvoir par un coup d’État en 2006 tandis que la sœur de Thaksin, Yingluck, l’a été en 2014. Le conflit frontalier a permis au pouvoir cambodgien de provoquer une crise politique en Thaïlande et d’obtenir la suspension de la première ministre Paetongtarn, elle-même fille de Thaksin. Lequel n’en a pas moins endossé, malgré l’absence de toute fonction officielle, les habits de chef de guerre, appelant l’armée à « répondre selon les plans stratégiques prévus » aux attaques du voisin.
Au Cambodge, les Hun, père et fils, en lançant leur armée à la conquête des quatre temples khmers, ne sont pas en reste. En faisant monter la fièvre nationaliste autour de ce conflit frontalier, militaires et politiciens des deux pays comptent bien conforter leur pouvoir. Les travailleurs et les classes populaires des deux pays en feront les frais.