Travailleurs étrangers : l’État fabrique des sans-papiers30/07/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/08/une_2974-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1264%2C1640_crop_detail.jpg

Leur société

Travailleurs étrangers : l’État fabrique des sans-papiers

Près de quatre millions de travailleurs, en France, n’ont pas la nationalité française. La plupart sont en situation régulière, mais l’État transforme un nombre croissant d’entre eux en sans-papiers.

Contraints de renouveler régulièrement leurs titres de séjour, ces travailleurs sont empêchés de le faire par des délais démesurés, ne serait-ce que pour obtenir un rendez-vous. Cette situation, dénoncée depuis des années, est créée par les politiques gouvernementales visant à empoisonner l’existence des immigrés et par le manque de moyens de ce service public. Des associations aident certaines victimes dans leurs démarches et ont récemment saisi la justice contre plusieurs préfectures. Les litiges concernant les droits de séjour des étrangers ont représenté l’an dernier plus de 40 % des jugements rendus par les tribunaux administratifs, eux-mêmes engorgés.

Cela conduit à des situations dramatiques. De nombreux travailleurs étrangers voient leur titre de séjour expirer sans avoir pu en obtenir le renouvellement. Ils se retrouvent donc du jour au lendemain privés du droit de travailler, et souvent licenciés par leur employeur. Étant également, par la même occasion, privés du droit au chômage et aux aides sociales, ils sont plongés dans la plus grande précarité. Même lorsque leurs titres de séjour sont finalement renouvelés, cela ne leur rend ni leur travail, ni l’argent perdu, ni leur logement s’ils en ont été chassés. Ils risquent également d’être expulsés du pays, alors même parfois que toute leur vie et leur famille sont ici, où ils résident et travaillent depuis des années voire des décennies.

Les retards ne concernent pas que le renouvellement de titre de séjour, mais aussi les premières demandes et les demandes d’asile. Parmi des milliers de cas connus, celui de Joes est particulièrement révoltant. Arrivé en France à l’âge de 11 ans, il y a suivi sa scolarité puis a travaillé, occupant des emplois souvent pénibles, dans la vente et la restauration. En raison de lenteurs de procédures administratives, il a reçu, après ses 18 ans, une obligation de quitter le territoire français. Âgé de 22 ans, sa compagne étant enceinte, ce jeune travailleur vient d’être enfermé deux mois dans un centre de rétention administrative puis expulsé vers le Congo, où il ne connaît personne et où les soins contre le VIH, dont il est porteur, sont en train de disparaître du fait de l’arrêt des aides américaines décidé par Trump.

Une fraction des travailleurs, les étrangers, sont la cible de la propagande gouvernementale et médiatique ainsi que de l’action de la police et de l’administration. Non seulement cela conduit à des drames humains, mais cela contribue à affaiblir l’ensemble des travailleurs au moment où leur unité est plus que jamais nécessaire pour riposter aux attaques dont ils font tous l’objet. Travailleurs français et étrangers, avec ou sans papiers, forment une seule et même classe ouvrière, et doivent avoir les mêmes droits.

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