- Accueil
- Lutte ouvrière n°2972
- Algues vertes : l’agro-industrie et l’État récidivistes
Leur société
Algues vertes
l’agro-industrie et l’État récidivistes
Le 14 juillet, des plages de la baie de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, et d’autres proches de Douarnenez, dans le Finistère, étaient fermées au public car envahies par les algues vertes.
À Kerlaz, 2 500 mètres cubes d’algues ont déjà été recueillies, saturant la station de compostage. Ces algues sont tellement dangereuses qu’elles doivent être ramassées par des pelleteuses à cabine pressurisée, afin que le chauffeur ne risque pas l’intoxication par le gaz dégagé par leur décomposition. Le phénomène est connu et a déjà fait au moins deux victimes. Après neuf ans de procédure, l’État a enfin été condamné pour avoir causé par son inaction la mort de l’une d’entre elles.
La cour administrative d’appel de Nantes a en effet retenu, le 24 juin, « la responsabilité pour faute de l’État, en raison de ses carences dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d’origine agricole, qui est la cause principale de la prolifération des algues vertes en Bretagne ».
Le 8 septembre 2016, le corps de Jean-René Auffray, un homme de 50 ans, était retrouvé sans vie dans une zone de l’estuaire du Gouessant en Bretagne où se déposent ces algues vertes. La justice a reconnu que sa mort ne pouvait s’expliquer que par « une intoxication mortelle par inhalation d’hydrogène sulfuré à un taux de concentration très élevé », précisément le gaz que produisent les algues vertes. Depuis des années, ce végétal se dépose en véritables marées vertes sur les bords de mer et de rivières. Sa prolifération est due à l’utilisation massive d’engrais azotés et à l’épandage de lisier provenant des élevages intensifs de porcs, dans une région qui fournit 60 % de la production porcine française. Ces produits se retrouvent ensuite dans les rivières puis les eaux côtières, et y entraînent le développement de colonies d’algues vertes.
Le danger mortel dont a été victime Jean-René Auffray était dénoncé de longue date par les associations locales. En 2009, un cheval était mort sur une plage recouverte d’algues vertes. En 2011, trente-six sangliers avaient péri dans les mêmes circonstances. En juillet 2009, un conducteur de camion de 48 ans, Thierry Morfoisse, s’effondrait en sortant de son véhicule. Il transportait à la déchetterie une cargaison d’algues vertes qui avaient commencé à pourrir. Pourtant, les représentants du syndicat agricole FNSEA se sont ingéniés à nier leur nocivité et à refuser tout véritable contrôle, et la justice avait jusqu’à aujourd’hui trouvé le moyen d’affirmer, contre l’évidence, qu’il pouvait y avoir d’autres causes de décès. Quant à l’État, il s’était bien gardé d’imposer aux éleveurs l’indispensable contrôle.
Ni la prolifération de cet été, ni les morts, ni la décision de justice n’empêchent l’agro- industrie de persévérer. Pire encore, une nouvelle loi, adoptée le 8 juillet sur proposition d’un responsable de la FNSEA, le sénateur Duplomb, permet, entre autres, d’étendre la superficie des élevages industriels… et la pollution qui va avec.